Présomption (notion). - De manière générale on définit
la présomption comme une conséquence probable tirée d’un fait connu à un fait non connu.
- A la Présomption de culpabilité* qui, par la force des choses, pèse
sur un prévenu qui se présente entre deux gendarmes, le droit naturel oppose une Présomption d’innocence*.
Code de droit canonique, Commentaire de l’Université
de Salamanque : La présomption est une sorte de conjecture, ou se supposition, fondée sur ce qui arrive ordinairement
dans des circonstances semblables ; elle projette l’expérience du passé sur une chose discutée présentement et
que l’on souhaite éclaircir. La présomption est définie par le canon 1584 comme une conclusion raisonnable au sujet
d’une chose incertaine, qui se base sur les indices qui l’entourent fréquemment. La présomption se situe entre
la simple possibilité et la certitude morale au sujet de la réalité d’un fait dont on accepte la vérité en accord avec
l’ordre normal des choses selon l’expérience historique.
Donnedieu de Vabres
(Traité de droit criminel) : Les présomptions sont des rapports nécessaires que la loi établit entre certains
faits ; les conclusions qu’elle oblige le juge à dégager d’un fait à un autre.
- Présomption de fait. - La présomption de fait
est un mode de raisonnement permettant, à partir de certains faits connus, d’induire les circonstances de la commission
d’une infraction. Par exemple un signe de connivence, échangé sur la scène du crime par deux individus, permet au juge
d’admettre comme probable l’existence entre eux d’un accord préalable.
- Leur force probatoire est très variable : quelle créance attacher à l’adage
classique is fecit cui prodest (celui qui a commis le crime est celui à qui il profite) ? De nos jours on exige
l’existence de présomptions « graves, précises et concordantes ». Voir :
Indices*.
ð Marty
et Raynaud (Droit civil) : A partir de la constatation de certains indices ou circonstances on va présumer,
induire l’existence de certains faits. Il n’y a pas ici de décision légale ; c’est le juge qui va peser
les probabilités et les vraisemblances pour former sa conviction, d’où l’appellation « présomption de l’homme ».
Le Brun de la Rochette (Le procès
criminel, 1629) en proposait un exemple général : La loi présume toujours mal contre les personnes qui accomplissent
leur action la nuit.
Denisart (Collection de jurisprudence, 1768) en proposait
un exemple historique : A défaut de preuves positives qui établissent un fait, le juge peut quelquefois se déterminer
sur des présomptions : tel a été le motif qui a déterminé Salomon, sur le différend de deux femmes qui toutes deux prétendaient
être mère du même enfant ; la présomption fut du côté de la femme qui préférait la vie de celui-ci à sa propre satisfaction.
Vidal et Magnol (Cours
de droit criminel) : Voici des exemples de preuve indirecte ou conjecturale :
- 1° L’accusé
vu sur les lieux à l’heure du crime, armé, fuyant ;
- 2° Des effets
ou objets à lui appartenant trouvés sur les lieux du crime ; - 3° Des menaces adressées par
l’accusé à la victime avant le crime ;
- 4° Son inimitié
pour elle ;
- 5° L’achat
ou la préparation des instruments propres à commettre le crime ;
- 6° Les variations
ou contradictions de l’accusé dans ses réponses ;
- 7° L’intérêt
qu’il avait à commettre le crime ;
- 8° La mauvaise
réputation ou les mauvais antécédents de l’accusé…
Cass.crim. 29 février 1988
(Bull.crim. n°104 p.266) : Il existe à l’encontre des défendeurs des présomptions graves, précises et
concordantes, de nature à justifier le principe de leur inculpation.
- Présomption
légale. - Une présomption légale est une précaution prise par le législateur dans le but de faciliter
l’administration de la preuve. Elle est dite irréfragable (juris et de jure)
lorsqu’elle n’admet pas la preuve contraire (ainsi en est-il de la chose jugée, qui est sensée être la vérité).
Elle est dite simple (juris tantum) lorsqu’elle admet la preuve contraire (ainsi
l’art. 225-6 C.pén. répute proxénète celui qui, vivant avec une prostituée, ne peut justifier de ressources propres).
- Les deux principales présomptions que connaît le droit pénal sont celles qui
réputent tout adulte, d’une part sain d’esprit, d’autre part libre dans le choix et l’exécution de
ses actes.
Voir : Doucet, " La loi pénale ", 133.
6 Henri
II, édit de février 1556 : En cas de mort d’un nouveau-né, toute femme qui se trouvera dûment atteinte
et convaincue d’avoir caché tant sa grossesse que son enfantement … est réputée avoir homicidé son enfant.
Décret du 22 prairial an II. Le Tribunal révolutionnaire
est institué pour punir les ennemis du peuple… Sont réputés ennemis du peuple ceux qui auront cherché à avilir la Convention
nationale.
Merlin (Répertoire de
jurisprudence). Conclusions sous Cass.crim. 20 floréal an XIII : Dans quel lieu l’enfant a-t-il été homicidé ?
On l’ignore en l’espèce ; mais la présomption légale est qu’il a été homicidé là où il a été découvert,
où a été constaté le corps du délit.
Pradel et Danti-Juan
(Droit pénal spécial) : Le proxénétisme présumé. A côté de situations qui révèlent le proxénétisme auquel se
livre un individu (p.ex. embauchage en vue de la prostitution), il en est d’autres qui ne permettent a priori que de
le soupçonner (p.ex. faire office d’intermédiaire). Pourtant, le législateur, très répressif en cette matière, n’en
incrimine par moins ces comportements parce que, dans la très grande majorité des cas, ils permettent de présumer ce qui n’est
pas autre chose que la vérité.
Cass.crim. 22 juin 1988 (Bull.crim.
n° 284 p.758) : En l’absence de toute réclamation formulée par l’accusé ou son conseil au cours
des débats, il y a présomption légale qu’un magistrat désigné pour remplir des fonctions d’assesseur à la Cour
d’assises l’a été conformément à la loi.