Abus de confiance. - Notion. L’abus de confiance
consiste, de la part de celui qui s’est vu confier un bien par contrat, à en disposer consciemment et à se mettre ainsi
hors d’état de le restituer.
- Cette infidélité a longtemps été considérée comme une variété du Vol*, elle s’en
distingue pourtant nettement par l’Intérêt protégé* : alors que le vol porte atteinte à la paisible possession des biens,
l’abus de confiance blesse la Foi contractuelle*. Même s’il fut englobé dans le vol par les droits primitifs, ce délit relève
rationnellement de la police de l’exécution des contrats fiduciaires.
- Cf. : Abus de confiance*, Détournement*, Escroquerie*, Filouteries*, Foi contractuelle*, Furtum*, Vol*.
Voir : Doucet, "La protection de la personne humaine", IV-112.
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Code criminel du Canada.
336.
Est coupable d’un acte criminel
et passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, étant fiduciaire d’une chose quelconque à l’usage
ou pour le bénéfice, en totalité ou en partie, d’une autre personne, ou pour un objet public ou de charité, avec l’intention
de frauder et en violation de sa fiducie, détourne cette chose, en totalité ou en partie, à un usage non autorisé par la fiducie.
- Éléments constitutifs de l’infraction (art. 314-1 C.pén., ancien art. 408).
Puisqu’il concerne l’exécution des contrats, l’abus de confiance suppose, en Condition
préalable*, l’existence d’un contrat ; en outre, selon le droit
commun des incriminations, il comporte un Élément matériel* et un Élément moral*.
a) Condition préalable.
Par respect du principe de la légalité criminelle, le législateur de 1810 avait donné une liste des contrats
protégés (y figuraient notamment le dépôt et le mandat). Le nouveau Code vise plus sagement tout contrat en vertu duquel une
personne se voit remettre un bien mobilier à charge de le restituer ou d’en faire un usage déterminé.
Véron (Droit pénal spécial) :
Il faut, mais il suffit, que le détournement
porte sur une chose remise à titre précaire dans un cadre contractuel.
Peu importe, en règle générale, que le contrat en cause présente une cause technique de nullité civile
ou commerciale. Ce que le droit pénal pourchasse, c’est la violation de la parole effectivement donnée.
Constant (Manuel de
droit pénal belge) :
La nullité du contrat violé ne fait pas
disparaître l’abus de confiance.
Cass.crim. 12 mai 1964 (Bull.crim.
n° 161 p.354) :
La demanderesse ne peut trouver un motif
d’impunité dans la circonstance que le contrat de louage serait nul.
La preuve de l’existence du contrat invoqué, qui incombe à la partie poursuivante, s’effectue
selon les règles propres au contrats civils ou commerciaux.
Ö
Cass.crim. 1er juillet 1992 (Gaz.Pal. 1993 I Chr.crim. 123) :
La preuve du contrat civil dont le délit
d’abus de confiance présuppose l’existence doit être faite conformément aux règles du droit civil.
Cass 2e Ch.
belge 27 septembre 1976 (Rev.dr.pén. 1976-1977 325) : Dans une poursuite du chef d’abus de confiance,
il appartient au ministère public de faire la preuve, non seulement de l’existence du contrat à l’exécution duquel
se rattache l’infraction, mais également du détournement ou de la dissipation frauduleuse des objets remis.
b) L’élément matériel consiste en un détournement, c’est
à dire en un acte accompli par le détenteur précaire qui fait échec à la restitution loyale du bien en cause à son légitime
possesseur : délaissement, destruction, détérioration, détournement, dissipation, refus de restituer, usage abusif, vente
à un tiers… Il y a détournement lorsque le simple détenteur accompli sur la chose confiée un acte de maître.
- Cf : Interversion de la
possession*.
Garraud (Traité de droit
pénal) :
Dès lors que le dépositaire a disposé
en maître de la chose qui lui a été confiée, on peut dire, théoriquement, qu’il l’a dissipée ou détournée. En
effet, détourner, c’est distraire de sa destination ; dissiper, c’est à la fois faire disparaître ou aliéner
l’objet.
Cass.crim. 19 mai 1969 (Gaz.Pal.
1969 II 78 et la note) :
Le contrat de louage de chose fait obligation
au preneur de rendre, à l’expiration du bail, la chose louée ; le détournement de celle-ci se trouve réalisé, dès
lors que le preneur, à qui une automobile a été confiée, l’a abandonnée dans une rue.
Cass.crim. 13 février 1984
(Gaz.Pal. 1984 II 433) :
Si le seul usage de la chose confiée
n’entre pas dans les prévisions de l’art. 408 C.pén., il n’en est pas de même lorsque cet usage implique
la volonté du possesseur de se comporter, même momentanément, comme le propriétaire de la chose. A donc pu être déclaré coupable
d’abus de confiance un salarié, dont la mauvaise foi a été souverainement appréciée par les juges du fond, dont il est
constaté qu’il avait utilisé la voiture mise à sa disposition par son employeur, pour les nécessités de son activité,
non seulement pour son usage personnel mais encore dans l’intérêt tant d’une autre entreprise que de son épouse
ou de son fils.
Selon le droit commun, ce qui compte c’est que le créancier de la restitution ait subi un préjudice.
Peu importe que l’auteur de l’acte délictueux en ait ou non, directement ou indirectement, tiré profit.
Cass.crim. 16 février 1977
(Bull.crim. n° 60 p.139) :
La loi n’exige pas, comme élément
constitutif de l’abus de confiance, que le prévenu se soit approprié la chose confiée, ni qu’il en ait tiré un
profit personnel.
c) L’élément moral. Le détournement du bien confié ne relève de
la loi pénale, dans un droit subjectif, que si le simple détenteur a eu conscience de la portée de son acte. Mais il faut
observer que certains actes sont si éloquents que le juge n’a pas à s’interroger particulièrement sur ce point.
Cass.crim. 26 juin 1973 (Bull.crim.
n° 297 p.713) :
Il n’est pas nécessaire, pour établir
légalement l’abus de confiance, que l’intention frauduleuse soit établie en termes exprès ; il suffit qu’elle
s’induise des circonstances matérielles retenues par les juges.
Gaïus (Instituts de droit) :
Lorsqu’on détourne la chose d’autrui
de l’usage en vue duquel elle vous a été confiée, il n’y a délit que si l’on a conscience d’agir contre
le gré du propriétaire.
- Sanction. On discute pour savoir si le détournement, caractéristique
de l’abus de confiance (proche de la trahison), est plus ou moins grave que la soustraction, constitutive du vol (voisine
de la violence). Notre Code retient au départ la même sanction que pour le vol (3 ans d’emprisonnement) ; en outre,
le dépositaire infidèle doit restituer le bien en cause et réparer le préjudice subi.
Code annamite de Gia
Long. Art. 135 (Comm.off.) :
Il y a diminution de la peine d’un
degré par rapport au vol, parce qu’entre l’acte de détournement et l’acte de soustraction il existe une
légère dissemblance.
Véron (Droit pénal spécial) :
Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement
lorsque l’abus de confiance est réalisé par un mandataire de justice ou par un officier public ou ministériel.