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Action civile

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Action civile : La notion ; 2° La recevabilité ; 3°L’exercice ; 4° L’extinction.

Notion. -  L’action civile est une voie de procédure ouverte à celui qui se tient pour victime d’une infraction pénale. Elle lui permet de veiller à ce que son agresseur comparaisse devant les juges répressifs et de solliciter du tribunal réparation du dommage qu’il prétend avoir subi (art. 2, art. 3, art. 4 et art. 5 C.pr.pén.).

- Institutionnalisée lorsque les familles, les clans, les tribus ont renoncé à l’exercice du droit de vengeance, cette action assure la protection des droits fondamentaux de chaque citoyen et préserve la collectivité de l’arbitraire dans le déclenchement des poursuites. Au choix de l’intéressé, elle peut être exercée, soit en même temps que l’action publique devant les juridictions répressives, soit séparément devant les juridictions civiles.

- Elle revêt deux aspects : vindicatif en ce qu’elle cherche à faire constater la commission d’une infraction, réparateur en ce qu’elle tend à l’octroi d’une indemnisation. De la sorte, une victime peut se constituer partie civile quoiqu’elle ait déjà reçu d’autrui une réparation civile. Cependant, si elle peut conclure à la reconnaissance de culpabilité du prévenu, elle n’est pas autorisée à prendre parti sur la peine appropriée.

 Voir : R.Garaud, L’interdépendance des actions publique et civile.

 

 Voir notre étude : La loi applicable à l’action  civile

 

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ð Duguit (Traité de droit constitutionnel) : Si la victime de l’infraction peut agir, ce n’est pas parce que sa volonté a reçu de la loi une certaine qualité, qui lui donne une force particulière, c’est parce que l’intérêt collectif exige une répression et que dans l’intérêt collectif cette répression peut être provoquée par celui contre lequel l’infraction est dirigée.

ð Merle et Vitu (Traité de droit criminel) : L’action civile se définit comme l’activité procédurale exercée par la victime d’une infraction pour faire constater par le juge compétent la réalité du préjudice né de cette infraction, établir la responsabilité du délinquant dans la production du préjudice et obtenir l’indemnisation ou les restitutions nécessaires

 

L’indemnisation effective n’est pas une condition nécessaire de l’exercice de l’action civile : la partie civile peut se satisfaire d’être simplement présente au procès, d’avoir pu mettre en mouvement l’action publique, d’apporter ses preuves, de faire valoir son point de vue, éventuellement d’exercer les voies de recours.

Ö TGI Paris 17 décembre 1986 (Gaz.Pal. 1987 I 239) : Le droit d’ester en justice pour obtenir réparation de son préjudice est un droit fondamental, voire un droit naturel accordé à toute personne.

Ö Cass.crim. 15 octobre 1970 (Gaz.Pal. 1971 I 43) : Après avoir reconnu, dans son al.1er, à toute personne qui prétend avoir été lésée par un délit, le droit de se constituer partie civile devant la juridiction de jugement, l’art. 418 C.pr.pén., dans son al.3, accorde à la partie civile ainsi constituée la faculté, distincte de ce droit et dont elle est libre de ne pas user, de demander réparation de son préjudice.

 

Ö Cass.crim. 16 décembre 1980 (Bull.crim. n° 348 p.893) : Ayant pour objet essentiel la mise en mouvement de l’action publique en vue d’établir la culpabilité de l’auteur présumé d’une infraction ayant causé un préjudice au plaignant, le droit de se porter partie civile constitue une prérogative attachée à la personne et peut tendre seulement à la défense de son honneur et de sa considération, indépendamment de toute réparation du dommage.

 

6 De Ferrière (Dictionnaire de droit, 1762) : La partie civile n’a pas la liberté de conclure à la peine que mérite le crime ; elle peut seulement conclure au paiement du dommage qu’elle a souffert par le crime de l’accusé.

 

 

2° Action civile : sa recevabilité. -  L’action civile exercée par une personne physique (voir par ailleurs : Personnes morales*) doit être prise en considération par les juges si cette dernière justifie d’un intérêt à agir. Et un plaignant a Intérêt à agir* lorsqu’il allègue, d’une manière vraisemblable, avoir subi un préjudice qui lui aurait été causé par les faits matériels de l’espèce, dans la mesure où ils correspondent à la qualification pénale proposée. Voir : Irrecevabilité*.

Ö Cass.crim. 4 juin 1996 (Gaz.Pal. 1996 II Chr.crim. 182) : Pour qu’une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d’instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s’appuie permettent au juge d’admettre comme possible l’existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.

v Code de procédure pénale allemand § 374 : Par la voie de la plainte privée peuvent être poursuivies par la victime, sans qu’il soit besoin de joindre préalablement le ministère public :

 

1. une violation de domicile (§ 123 du code pénal),

 

2. une injure (§§ 185 à 189 du code pénal), si elle n’est pas dirigée contre un corps politique…

 

3. une atteinte au secret des correspondances (§ 202 du code pénal),

 

4. une atteinte corporelle (§ 223 et 229 du code pénal),

 

5. une menace (§ 241 du code pénal)…

 

- Le Préjudice* invoqué doit être certain, actuel et personnel. Ainsi, est irrecevable à exercer une action contre les fabricants de tabac, en raison de la nocivité de ce produit, une personne qui ne justifie pas être fumeur et n’établit même pas les prémices d’une intoxication. Si le préjudice éventuel ne peut être pris en considération, la perte d’une chance peut en revanche être considérée comme un préjudice : il en fut ainsi pour une jeune femme qui perdit son fiancé dans un accident, alors qu’il venait de terminer ses études dans des conditions lui ouvrant une carrière prometteuse. Quant au préjudice personnel, il peut être invoqué aussi bien par la victime matérielle que par ses proches atteints dans leurs sentiments ; la jurisprudence a par exemple admis le recevabilité de l’action exercée par un enfant né du viol de sa mère.

Ö Cass.crim. 9 octobre 1975 (Bull.crim. n°212 p.567) : L’élément de préjudice constitué par la perte d’une chance peut présenter en lui-même un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition, par l’effet du délit, d’un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine.

Ö Cass.crim. 4 février 1998 (Gaz.Pal. 1998 II Chr.crim. 102) : Fait perdre à son client une chance sérieuse d’être indemnisé l’entrepreneur de maçonnerie qui omet de souscrire l’assurance de dommages qu’il est tenu de contracter, en application des art. L. 111-28 à L.111-30 Code de la construction et de l’habitation.

Ö Cass.crim. 15 décembre 1998 (Gaz.Pal. 1999 I Chr.crim. 66) : Sauf dispositions légales contraires, l’action civile, en raison du préjudice résultant d’une infraction, appartient seulement à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par ladite infraction (art. 2 C.pr.pén.). Le Garde des Sceaux ne souffre pas personnellement du dommage causé par une infraction de diffamation publique envers les cours et tribunaux, et n’est donc pas recevable à se constituer partie civile pour obtenir réparation du préjudice causé à des magistrats et à la juridiction visés.

- Le lien de causalité permettant de relier ce préjudice aux faits ci-après doit être direct. Il n’en n’est pas ainsi dans le cas de l’Assureur* de la victime d’une infraction, qui est tenu à réparation directement en vertu du contrat d’assurance, indirectement en raison de l’accident qui a rendu effective l’obligation de réparation.

Ö Cass.crim. 11 décembre 1969 (Bull.crim. n° 339 p.810) : Une escroquerie  au préjudice d’une commune ne cause de préjudice direct qu’à la commune. Les citoyens et contribuables de cette commune n’éprouvent qu’un préjudice indirect.

Ö Cass.crim. 8 mars 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 348) : A la suite de l’accident d’avion survenu le 20 janvier 1992 près du Mont Sainte-Odile, au cours duquel de nombreuses personnes ont trouvé la mort ou ont été blessées, une information a été ouverte contre le pilote et le copilote pour homicides et blessures involontaires. Le Groupe Airbus Industrie, constructeur de l’avion, s’est constitué partie civile devant le juge d’instruction par voie incidente Pour déclarer, à bon droit, cette intervention irrecevable, l’arrêt attaqué énonce que les faits poursuivis ne sont pas de nature à lui causer un préjudice direct.

 

Ö Cass.crim. 27 juin 1995 (Gaz.Pal. 1995 II Chr.crim. 462) : Le délit d’abus des biens et du crédit d’une société ne cause de préjudice direct qu’à la société elle-même et à ses actionnaires. Les créanciers de la société ou les tiers ne peuvent dès lors invoquer devant le juge pénal un préjudice qui, à le supposer établi, ne serait qu’indirect.

- Les faits matériels dénoncés ne justifient la saisine de la juridiction répressive que s’ils constituent une infraction pénale, et entrent donc dans la définition d’une incrimination légale. On admet toutefois qu’un plaignant invoque des faits connexes à l’infraction principale.

Ö Cass.crim. 15 février 1994 (Gaz.Pal. 1994 I Chr.crim. 305) : Le demandeur a porté plainte avec constitution de partie civile du chef de forfaiture contre les membres du Conseil constitutionnel en leur reprochant d’avoir, dans une décision du 6 mars 1990, jugé que « les fonctions de président-directeur général de la société Bernard Tapie Finance, exercées par Bernard Tapie, n’étaient pas incompatibles avec son mandat de député » et d’avoir ainsi, par faveur pour l’intéressé, volontairement porté atteinte à certaines dispositions du Code électoral. Par ordonnance du 4 septembre 1990, le juge d’instruction a dit n’y avoir lieu à informer sur cette plainte et a déclaré la constitution de partie civile irrecevable. Pour confirmer à bon droit cette ordonnance, la chambre d’accusation énonce que « les accusations formulées dans la plainte ne peuvent s’analyser qu’en la critique d’une décision de justice et qu’il est de principe qu’un acte juridictionnel ne peut constituer, par lui-même, quelque infraction que ce soit ».

Ö Cass.crim. 23 mai 1973 (Gaz.Pal. 1973 II 521) : Déclare à bon droit recevable, dans des poursuites pour coups et blessures causés aux passagers d’une voiture, la constitution de partie civile du propriétaire de cette voiture pour obtenir la réparation du dommage occasionné à celle-ci.

 

- La qualification pénale des faits reprochés conditionne elle aussi la recevabilité de l’action civile, quoique le droit positif ne semble pas s’être encore définitivement fixé sur ce point. L’idée générale est de dresser une digue contre le déferlement de l’Action populaire*, dangereuse pour la collectivité puisque livrée aux vues, lubies et phobies de quelques individus. On y parvient, sur le plan technique, en exigeant une certaine coïncidence entre l’intérêt protégé par la loi pénale et l’intérêt invoqué par le plaignant. Un texte pris dans l’intérêt général, comme l’incrimination d’association de malfaiteurs, concerne l’ensemble de la collectivité et non chacun d’entre nous pris individuellement ; c’est donc au ministère public qu’il appartient, en principe, d’apprécier le moment et les conditions dans lesquelles des poursuites doivent être intentées ; l’intervention brouillonne d’un simple citoyen risque de ruiner le travail préparatoire de la police judiciaire. La question se pose d’ailleurs plus pour l’action des Personnes morales* (Association*, Ordre professionnel*, Société* ou Syndicat*), que pour celle des personnes physiques. Un simple particulier est déclaré recevable à relever la violation d’un texte d’intérêt général, lorsqu’il parvient à établir qu’il en est présentement la première victime.

Ö Cass.crim. 5 décembre 1973 (Gaz.Pal. 1974 I 129) : S’il est exact qu’il suffit aux parties civiles, au stade de l’information, de démontrer seulement que le préjudice allégué et son lien direct avec l’infraction soient possibles, une telle démonstration ne peut être faite dans le cas d’un prétendu crime de faux en écritures publiques en raison de la nature de ce crime. [a contrario un simple particulier serait déclaré recevable s’il se plaignait d’un faux commis dans un registre d’état civil, au paragraphe le concernant]

Ö Cass.crim. 22 août 1994 (Gaz.Pal. 1994 II Chr.crim. 698) : Pour déclarer à bon droit recevable la constitution de partie civile des demandeurs, dans les poursuites pour défaut de permis de construire, les juges ont pu retenir que la vue sur la mer dont ils jouissaient depuis leur résidence étant en grande partie masquée par la nouvelle construction. [l’urbanisme concerne pourtant, en principe, l’intérêt général]

 

3° Action civile : son exercice. -  Dans une société démocratique toute personne peut exercer l’action civile sans distinction de sexe, de race, de religion ou de statut social, à moins qu’elle n’encourt le reproche d’indignité (Nemo auditur propriam turpitudinem allegans*) et sous réserve qu’elle agisse à bon escient (voir : Abus de constitution de partie civile*).

- Celui qui se tient pour victime peut agir, à son gré, soit devant le tribunal répressif, soit devant le tribunal civil. Mais, une fois son choix fait il doit s’y tenir ; voir : Electa una via*. S’il a opté pour la voie civile, le tribunal civil risque d’être amené à prononcer un sursis à statuer par application de la règle Le criminel tient le civil en état*.

- L’action est exercée, à la demande de quelqu’un, ayant Capacité pour agir*, possédant un Intérêt à agir*, et devant plaider en son nom personnel (Nul ne plaide par procureur*). Voir : Héritier*, Créancier*, Subrogation*.

- Elle se concrétise, soit par voie d’Intervention*, soit par voie d’action : Citation directe* ou Plainte avec constitution de partie civile*.

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v Cour sup. just. Luxembourg 10 décembre 1958 (Pas.Lux. 1957-1959) : Les juridictions répressives ne peuvent statuer sur les actions civiles qu’accessoirement à l’action publique et pour autant seulement que le dommage a été causé par l’infraction dont le prévenu a été déclaré convaincu et du chef de laquelle il a été condamné à une peine.

 

Ö Cass.crim. 9 juillet 1996 (Bull.crim. n° 287 p. 884) : L’action civile, en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention, appartient à tous ceux qui en ont personnellement et directement souffert.

 

4° Action civile : son extinction. -  L’action civile s’éteint normalement par la décision accordant, à celui qui a été reconnu victime de l’infraction sanctionnée, des Réparations civiles*. Elle s’éteint aussi par Désistement*, par Prescription*, par Renonciation* ou par Transaction*.

 

 

SOURCE:

 

DICTIONNAIRE DE droit criminel - professeur Jean-Paul DOUCET -(rubrique servant de table et comportant des liens hypertextes) A

 

URL: http://ledroitcriminel.free.fr/dictionnaire/lettre_a.htm

 

 
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